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Doc complR. De L'esclavage des nègres, Montesquieu

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Doc complR. De L'esclavage des nègres, Montesquieu Empty Doc complR. De L'esclavage des nègres, Montesquieu

Message  Admin Dim 1 Juin - 20:25

MONTESQUIEU, L'esclavage des nègres (L'Esprit de lois, livre XV, chapitre V, 1748)

REPERES HISTORIQUES ET LITTERAIRES
L'esclavage n'est pas, au XVII° siècle une invention récente. Il est issu du droit de la guerre, de la nécessité économique (grands domaines, mines...), de l'organisation sociale ou des insuffisances techniques. Il ne reconnaît aucun statut juridique à l'esclave. Cf la protestation (mais pas la condamnation du phénomène) de Sénèque dans une Lettre à Lucilius (47).
Mais la "traite" est un fait nouveau : trafic triangulaire (Europe, Afrique, Amérique), grandes Compagnies et ports florissants (Nantes, Bordeaux).
Position des autorités politiques et religieuses :
Il s'agit d'une institution légalement officialisée par un édit de 1685 et patronné par les ministres. Choiseul déclare :"La traite des noirs mérite plus de protection que toute autre, puisqu'elle est le premier mobile des cultures."
"Louis XIII se fit une peine extrême de la loi qui rendait esclaves les nègres de ses colonies ; mais quand on lui eut bien mis dans l'esprit que c'était la voie la plus sûre pour les convertir, il y consentit." (Montesquieu, De l'esprit de lois, XV, 4)

Au XVII° siècle, Bossuet qui a pourtant pris position avec générosité sur la question de la justice et de la charité admet encore que le Saint-Esprit "ordonne aux esclaves, par la bouche de Saint Paul de demeurer en leur état et n'oblige pas les maîtres à les affranchir." (Avertissement aux Protestants, article 50)

Remarque : le mot "nègre" n' a pas de valeur péjorative au XVIII° siècle ; c'est le nom qu'on donne en général aux habitants noirs de l'Afrique. "Quand les Portugais découvrirent la côte occidentale de l'Afrique, ils donnèrent aux peuples noirs qui l'habitent le nom de "negro", qui signifie "noir" ; de là vient notre mot "nègre" ; on dit plutôt les "nègres" en parlant des habitats de la côte occidentale d'Afrique que les Noirs". (dictionnaire Littré).

Montesquieu lui-même est actionnaire de la Compagnie des Indes. Cependant il est le premier à flétrir avec tant de vigueur un tel scandale : asservissement inique et préjugé racial (même s'il ne juge pas tout à fait les Nègres comme les égaux des Européens).
Ce texte est l'aboutissement d'une longue maturation. Il a parlé de la couleur des Noirs dans la Lettre persane 59 et du rapport entre esclavage et religion dans la Lettre 75. Dans De l'esprit des lois, il est conduit logiquement à étudier les relations entre les lois théoriques et les conditions réelles et infiniment variables dans leur application selon les moeurs, les climat, les traditions. Il en résulte de généreuses prises de position contre l'intolérance, le fanatisme, l'injustice, etc. C'est dans cet esprit qu'est rédigé ce texte.

Livre XV : "Comment les lois de l'esclavage civil ont du rapport avec la nature du climat."
Montesquieu réfute le justification du servage antique, puis critique le servage politique. Le climat chaud entraîne l'indolence qui, elle, favorise le despotisme, les régimes autoritaires. Or, l'esclavage, au nom de principes humanitaires raisonnables, est un phénomène condamnable qu'aucune théorie ne peut justifier. "La raison porte à l'humanité" (XV, 3). Ainsi la théorie des climats se trouve limitée par la condamnation du moraliste.

REPERES CONCERNANT L'ESCLAVAGE

Avant Montesquieu, d'autres voix s'étaient élevées :
- Sénèque
- Bartholomède Las Casas : défenseur des Indiens contre les Conquistadores. 1542, Histoire admirable des horribles insolences, cruautés et tyrannies exercées par les Espagnols ès Indes Occidentales, brièvement décrites en langue castillane.

Après Montesquieu :
- Abraham Lincoln
- Mrs Beecher-Stowe, La Case de l'Oncle Tom, 1851.
- Richard Wright, Black Boy, 1945 ; Les enfants de l'Oncle Tom, 1938.
- Martin Luther King ...

Etapes de l'abolition :
- 1794 : abolition par la Révolution française ; mais le Consulat le rétablit
- 1815 : le Congrès de Vienne le condamne solennellement
- 1833 : l'Angleterre proclame l'abolition
- 1846 : la Suède
- 1848 : le Danemark et la France. Victor SCHOELCHER (1840, Abolition de l'esclavage), sous-secrétaire d'Etat dans le Gouvernement provisoire de 1848, il contribua à faire adopter le décret sur l'abolition de l'esclavage
- 1856 : le Portugal
- 1860 : la Hollande
- 1865 : les Etats-Unis, après la Guerre de Sécession, 1860-65
- 1885 : l'acte de Berlin engage la suppression de l'esclavage en Afrique même
- 1888 : le Brésil

Plan de commentaire composé
INTRODUCTION
Idée de départ : la Guerre de Sécession

Sujet ;

Annonce du plan

DEVELOPPEMENT

I° PARTIE : Montesquieu dénonce en premier lieu les conceptions xénophobes de ceux qui refusent aux noirs la qualité d'êtres humains.

1° § Il montre d'abord le ridicule des préjugés occidentaux concernant les aspects physiques des "nègres".
1° IA : la couleur de la peau et la forme du nez : "noirs depuis les pieds jusqu'à la tête", comme s'il pouvait en être autrement ! On leur reproche d'être "noirs" par excès ! Puérilité de l'adverbe dans l'expression "nez si écrasé" (argument ad personam)
2° IA : l'âme : dérision et absurdité du rapprochement entre l'aspect extérieur et la spiritualité, la nature profonde de l'homme ; préjugé raciste : la "laideur" extérieure préjuge de celle de leur âme.
3° IA : Il accumule d'ailleurs les périphrases dépréciatives par lesquelles les Européens désignent les noirs dont ils font des outils : "ceux de l'Afrique" (s.e. : "peuples", terme qui implique de l'humanité), "ceux dont il s'agit" , "ces gens-là", "s'en servir", toutes expressions qui les déshumanisent.

2° § Montesquieu souligne en outre la relativité des moeurs.
1° IA : Relativité de la valeur des objets selon les cultures : verre et or ; cf la reprise de l'expression "une si grande conséquence" comme à propos des Égyptiens : l'attitude des Européens vis-à-vis de l'or est donc aussi peu rationnelle ...
2° IA : Relativité du symbolisme des couleurs : noir et blanc n'ont pas la même signification pour les Blancs et pour les Noirs ... Cf la Lettre persane 59 (1721): "je ne suis pas surpris que les Nègres peignent le diable d'une blancheur éblouissante et leurs dieux noirs comme du charbon".
Le préjugé de la couleur était vivace au XVIII° siècle, la pigmentation des Nègres est une énigme : cela figure en 1741 comme sujet de concours à l'Académie de Bordeaux dont Montesquieu est membre. Comment s'apitoyer sur des êtres si différents de nous ? Comment peut-on être si ... noir ?
Les récits de voyage avaient d'ailleurs fortement contribué au XVIII° siècle à la notion de relativité.

3° § Mais c'est surtout l'absurdité de l'attitude xénophobe qui est mise en évidence. L'observation de la progression thématique montre que tout le raisonnement s'autodétruit.
1° IA La progression est d'abord linéaire dans les cinq premiers alinéas. L'auteur examine le "droit" de "rendre les nègres " (thème) "esclaves" (propos) ; cette mise en esclavage (thème) a permis de "défricher" l'Amérique (propos) ; ces "terres" (thème) produisent du "sucre" (propos) à un prix rentable puisque produit par des "esclaves" (propos) ; ces "esclaves" (thème) "sont noirs" (propos) ; cette couleur de peau (thème) explique l'attitude des Européens.
2° IA La progression se poursuit à thème constant dans les alinéas 6 à 9 comme pour souligner cette obsession de la "couleur de la peau" ("sont noirs, un corps tout noir, la couleur, les noirs, la couleur de la peau, les nègres, ces gens-là") : "La couleur de la peau" "constitue l'essence de l'humanité" et "on peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux" ; la "couleur de la peau" constituerait donc un critère d'humanité aussi important que la "couleur des cheveux" ; or, ce critère de la couleur des cheveux, qui permet de "tuer" les "hommes roux", est inacceptable pour un esprit européen du XVIII° siècle ; l'apparence extérieure qui est d'une "si grande conséquence" chez les uns n'a pas du tout la même "conséquence " chez les autres ; le critère de la couleur de la peau pour "juger" de l'humanité d'un individu doit donc être remis en cause : la couleur de la peau n'a pas plus de "conséquence" que la couleur des cheveux pour "juger" si on a affaire ou non à un "homme" ; et ce n'est pas la couleur de la peau qui "constitue l'essence de l'humanité" quoi qu'en pensent les "peuples d'Asie" !
Remarque : Montesquieu a pris ce détail dans Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, I,88 : Typhon, principe du mal, avait tué son frère Osiris ; Isis, la femme-sœur d'Osiris avait tué Typhon pour le châtier ; d'où le sacrifice des hommes roux (puis d'un bœuf roux), car Typhon était roux.



II° PARTIE : Non content de dénoncer les préjugés de ses contemporains, Montesquieu condamne le principe même de l'esclavage.

1° § L'ironie de Montesquieu est perceptible.
1° IA Le philosophe affecte en effet l'objectivité avec un tel excès que cet excès même la rend vite suspecte.
- la composition du texte : succession d'asyndètes, de petits paragraphes décousus comme les attendus d'un édit, d'un règlement, d'un code froid et impersonnel
- la notion de "droit" dès la première ligne
2° IA : Mais il a pris soin de rompre par instant cette objectivité apparente pour lancer un trait de satire directe.
- L'usage de modalisateurs fait apparaître l'attitude véritable du locuteur qu'est Montesquieu: "exterminé" (jugement de valeur) ; "presque impossible" (degré de certitude atténué : il est donc "possible de les "plaindre" !)
- usage des implicites : l'expression "exagèrent trop l'injustice" est un présupposé qui revient à admettre qu'il y a de l' injustice ; "conventions inutiles" ; "une âme surtout une âme bonne" : l'âme existe ou n'existe pas, qu'elle soit bonne ou non !
3° IA : Il présente enfin comme des évidences irréfutables des idées qui ne résistent pas à l'analyse et à la réflexion :
- "ils ont dû" (comme s'il n'était pas plus simple d'éviter un génocide ! comment peut-on justifier un crime par un autre ? La découverte du Nouveau Monde (C.Colomb, 1492) s'est accompagnée de massacres ; Cortès, au Mexique, 1519 ; Pizarre, au Pérou, 1524-1533 et révolte sanglante en 1534-36) ; "une preuve que" ; "on ne peut se mettre dans l'esprit" ; "on peut juger" ; "il est impossible que" : quel cynisme dans l'accumulation de ces affirmations péremptoires !
L'emploi de la tournure conditionnelle dans la première phrase avait d'ailleurs permis à l'auteur de prendre ses distances par rapport à ce qu'il allait énoncer.

2° § La condamnation de Montesquieu apparaît aussi dans la façon dont il a savamment gradué la tonalité de son exposé.
1° IA : Le ton paraît d'abord sérieux. Il reprend les arguments historiques et économiques des esclavagistes.
2° IA : L'ironie apparaît peu à peu dans un appel à la raison du lecteur
3° IA : Mais c'est ensuite un appel au cœur que lance Montesquieu
- l'amertume se mêle : "presque impossible"
- l'indignation éclate enfin avec les arguments moraux et religieux
La comparaison entre le début et la fin du texte renforce cette impression d'un changement de ton radical : à la notion de "droit" succèdent les termes de "miséricorde et de pitié" (pléonasme) : l'auteur ne se situe plus sur le même terrain ... Déjà le 4° alinéa avait laissé entendre qu'on "pouvait" les "plaindre".

III° PARTIE : Montesquieu ne s'est pas contenté de s'inscrire en faux contre les préjugés racistes de son époque ni de remettre en cause l'idée même d'esclavage, il a désigné des responsables.

1° § Le philosophe fustige d'abord l'égoïsme des négociants et des colons.
1° IA : leur recherche du profit à tout prix
- disproportion entre le but et les moyens, entre le prix du sucre et la privation de liberté. Si l'on payait des ouvriers, le sucre reviendrait trop cher ; or, les Européens veulent avoir du sucre bon marché ; donc il faut utiliser des esclaves .. que l'on ne paie pas ; quel cynisme dans cet aveu ! Les exploitants insistent sur le fait qu'ils maintiennent bas le cours du sucre, ... mais ne disent qu'ils songent surtout à leurs énormes bénéfices ! Fallait-il par ailleurs "défricher" "tant de terres" ?
- le vol, l'escroquerie du troc révélée au 8° alinéa : le verre échangé contre l'or qui est ... d'une "si grande conséquence" pour les Européens !
2° IA : l'hypocrisie de leur raisonnement : "ils ont dû"
3° IA : leur cynisme qui abaisse l'être humain au rang de l'objet dont on "se sert" ...

2° § Montesquieu dénonce également l'hypocrisie d'une religion qui tolère l'esclavage.
IA : Syllogisme tel qu'il apparaît et ... tel qu'on le comprend : les Européens ne sont pas chrétiens ! L'argument de Montesquieu repose, en effet, sur un syllogisme implicite : nous sommes chrétiens, c'est-à-dire que nous considérons les hommes comme des frères ; or, nous admettons l'esclavage des nègres ; c'est donc que les nègres ne sont pas des hommes. Mais la présentation est telle que nous comprenons ce qui est suggéré : les nègres sont des hommes ; or, nous admettons l'esclavage des nègres ; c'est donc que "nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens". La force de l'argument vient de ce qu'il met en lumière la contradiction qu'il y aurait à être esclavagiste et à se prétendre encore chrétien.

3° § Il met enfin en évidence l'indifférence coupable des chefs d'Etat.
1° IA : Le dernier paragraphe est ironique ; on note la reprise du système conditionnel , comme au début du passage, ainsi que l'emploi d'une question rhétorique. Les Princes d'Europe font tellement de "conventions inutiles" qu'ils ne sont pas à une convention près ! Or, ils n'en ont pas fait pour les Africains ; c'est donc qu'il n'y a pas d'injustice excessive !
2° IA Aux "peuples d'Europe" du début de la page ont succédé les "Princes d'Europe" qui devraient avoir le courage politique d'imposer à leurs sujets un système de valeurs reposant plus sur la "miséricorde et la pitié" entre semblables que sur le rendement économique ... Au lieu de cela, un roi comme Louis XIV a édicté le Code noir.
3° IA : Il ne s'agit d'une seule nation mais bien de toutes celles qui, en Europe, profitent de ce trafic inhumain. Montesquieu souligne aussi le caractère international du problème et de sa solution.

CONCLUSION
Récapitulation
Réaction personnelle : La légitimation de l'esclavage repose sur des raisonnements hypocrites et faux qui se détruisent par leur absurdité et qui, révoltent le cœur de tout homme généreux. A l'époque, ces arguments, à peine déformés, ne paraissaient sans doute pas aussi grotesques qu'aujourd'hui ; l'habileté de Montesquieu consiste à mettre sur le même plan des arguments soutenus presque tels quels par les tenants de l'esclavage et des arguments grotesques dont le caractère absurde saute aux yeux.
Chez Montesquieu, la théorie des climats n'a pas une valeur absolue, puisque l'intérêt égoïste des individus favorise l'établissement d'institutions réprouvées par la raison ; ce sont des iniquités que d'autres volontés individuelles, ou des lois nouvelles, peuvent modifier. C'est l'espérance de Montesquieu et le sens de son appel au dernier paragraphe.
Sa position est originale et courageuse : l'opinion française était favorable au maintien de l'esclavage ; en 1734, on voulait même l'introduire en Europe ...
Idée finale : L'esclavage aujourd'hui ..., en France.

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